Ci-dessous : Hexane reculant à la voix (ph. E.Loustau)
Efficace, appréciée du cheval, facile d'emploi, la voix peut rendre bien des
services. Hélas elle est considérée comme une aide secondaire,
rarement enseignée, et faute d'être utilisée correctement, elle déçoit.
Je suis au bout de la longe. Mon cheval
marche sur le cercle. Sans bouger, sans lever la chambrière, je dis
"galop". Il s'enlève aussitôt au galop. Dix foulées plus
loin, je dis "arrête", toujours sans bouger, ni faire
vibrer la longe... et il s'arrête, net. "Recule", et il
recule, jusqu'à ce que j'ai dit "trotte". Autour de la
carrière, quelques témoins cherchent une explication rationnelle à
ce miracle. Mais il n'y a pas de miracle : le cheval a compris
ces ordres vocaux, prononcés sur le même ton, sans crier, sans répéter.
Et il a obéi, aussitôt, pour trois raisons : d'abord, il connaît
les mouvements demandés ; ensuite, il sait que s'il n'obéit pas
dès l'ordre vocal, j'utiliserai des moyens plus classiques pour le décider ;
enfin, il espère bien être rapidement récompensé de son zèle.
Hélas, mes spectateurs sont convaincus, mais pas
convertis... Ils pensent que mon cheval est un surdoué, et que leur
propre monture serait incapable d'une telle performance. Encore raté !
Trop facile ! Bien sûr, lorsque vous
apprenez à monter à cheval, le moniteur se garde bien de vous
montrer comment vous servir de la voix : le but est que vous maîtrisiez
les aides tactiles. C'est d'ailleurs gênant, ces chevaux de club qui
comprennent les ordres vocaux, et devancent vos interventions,
lorsqu'ils entendent "individuellement... doublez", ou
"pour arrêter... arrêtez !". Du coup, vous n'avez
plus rien à faire, et bien du mal à mettre en place vos aides...
Mais une fois formé et devenu propriétaire, la voix pourrait vous être
utile, très utile. Hélas, vous n'avez pas appris à vous en
servir...
Des
emplois variés L'inconvénient des aides tactiles, c'est qu'elle
peuvent provoquer résistance et contractions chez votre monture. Leur
avantage, c'est qu'on peut les doser, et augmenter leur intensité
jusqu'à l'obéissance. Avec la voix c'est exactement l'inverse.
L'ordre vocal est parfaitement indolore, s'adressant directement à la
volonté du cheval. Mais on ne peut l'intensifier : inutile de répéter
ou de crier, si votre partenaire n'a pas obéi, il faut recourir
aussitôt à d'autres aides, plus contraignantes.
Lorsqu'un ordre est connu du cheval, il peut
intervenir avant, pendant, ou après les aides tactiles, selon le but
recherché.
- Avant les autres aides :
économie... le but est d'éviter d'utiliser les
aides... Idéal pour le cavalier débutant qui ne sait pas encore
doser ses actions et veut préserver le moral de son cheval ;
pour le longeur, le cavalier d'extérieur ou le meneur, qui
obtiendront une obéissance précise avec un minimum d'efforts. Pour
le dresseur qui veut enseigner une transition délicate...
- Pendant le recours aux autres aides :
garde-fou ! la voix
permet d'éviter une confusion dans l'esprit du cheval. Une demande
d'allongement, de ralentissement, de déplacement latéral sera, les
premiers temps, accompagnée du rappel vocal de l'allure d'origine,
pour éviter que le cheval ne croie à une transition. Peu à peu, il
apprendra à reconnaître les aides employées, et la voix ne sera
plus nécessaire.
Même précaution lorsqu'un événement extérieur
risque de perturber le travail en cours : la voix assure par
exemple le maintien de l'allure lorsque le cheval se fait dépasser,
ou qu'il aborde un obstacle qui risque de l'inciter à changer d'allure.
- Après les autres aides :
éclaircissement. Si le cheval n'a
pas répondu à une aide ou une combinaison d'aides, la voix
intervient pour lui permettre de comprendre ce qu'on attend de lui et
d'obéir. Au débourrage, par exemple, elle lui traduit le sens des
actions de main et de jambes. Elle fait le lien entre travail en main,
en longe et sous la selle. Et pendant la formation du cavalier, elle
intervient en renfort lorsque les aides ont manqué de clarté, ce qui
permet d'assurer un résultat et de préserver le moral du cheval.
Le piège de l'intonation On entend partout affirmer que le cheval
est surtout sensible à l'intonation. C'est vrai, mais à trop s'en
servir, on risque surtout de retarder les progrès... Ne sous-estimez
pas votre partenaire. Lui qui repère, de loin, le cliquetis du licol,
le cri caractéristique de la carotte qu'on coupe, le bruit du moteur
de votre voiture, il est parfaitement capable de faire la différence entre
deux mots prononcés sur le même ton. A condition que ce soit nécessaire.
Or si vous donnez à chaque mot une intonation particulière, votre monture ne se donnera
pas la peine d'identifier les sons, d'écouter et de distinguer les
mots. Et votre travail en sera compliqué :
Supposons la liste de base :"au pas /
trotte / galop / recule / arrête / non / c'est bien /
tiens", soit 8 intonations différentes. Aurez-vous assez
d'imagination pour la rallonger ? Vous en souviendrez-vous encore
au retour des vacances? Aurez-vous la patience d'enseigner cette liste
au cavalier à qui vous prêtez votre monture, sachant qu'il aura tout
oublié au bout de 5 minutes ? Et supporterez-vous longtemps de
voir les copains ricaner en vous écoutant parler à votre cheval avec des
trémolos dans la voix ?
La solution idéale, c'est d'adopter un même ton, neutre et bien distinct, pour
tous les ordres. Ainsi le cheval apprend à écouter, la voix se fait
discrète, et la liste peut être rallongée indéfiniment.
Une langue étrangère
Pour faire du bon travail avec la voix, il ne faut cependant pas
prendre le cheval pour un surdoué. Il ne peut comprendre que les mots
qu'on lui a enseignés. Peu lui importe que ce soit la liste citée
plus haut, ou "tang, chite, plouf, rune, besk, kouna...".
L'important, c'est que les mots soient courts et bien différenciés, afin qu'il
les reconnaisse sans effort. L'erreur courante, c'est d'utiliser par exemple "ho-là /
au pas / au trot". Avec 3 ordres aussi proches et surtout cette
première syllabe identique, vous allez le dégoûter d'obéir au
quart de tour. Alors réfléchissez bien aux mots que vous utilisez,
comparez-les, et n'hésitez pas à abandonner ceux qui prêtent à
confusion. Vous perdrez 15 jours à en enseigner un nouveau, mais vous
y gagnerez une précision inestimable.
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Encadré Travail ou
conversation ?
Il ne faut pas confondre
travailler à la voix et bavarder avec sa monture. Si vous avez
l'habitude de lui tenir de longs discours pour meubler son absence de
conversation, les ordres vocaux seront noyés dans le flot, et elle
aura bien du mal à s'y retrouver. Au travail, mieux vaut se limiter
aux mots qu'elle connaît, en veillant toujours à obtenir un résultat.
Si vous voulez converser avec un
autre cavalier ou le moniteur, il vaut mieux interrompre le travail :
un temps de pas ou d'arrêt rênes longues est tout indiqué. Votre
cheval finira par faire la différence entre les indications vocales
et la conversation, et vous pourrez éventuellement discuter en cours
de travail. Méfiez-vous cependant, votre monture vous écoute et
cherchera à obéir aux mots qu'elle reconnaît ("arrête",
"galop"...). Alors, prenez l'habitude de coder vos paroles
("stoppe", "canter"...) pour lui éviter de décevantes
confusions.
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Pour aller plus loin :
Parler
au cheval, de Danièle Gossin, Editions Maloine
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Encadré Rêvons un peu
Si j'étais monitrice d'équitation,
je prendrais quelques minutes de reprise de temps en temps, pour
montrer à mes élèves comment on enseigne un ordre vocal et comment
on peut l'utiliser. Rapidement, tous les chevaux du club connaîtraient
le vocabulaire de base. Ce serait pratique pour le travail en longe,
rassurant pour les débutants, et intéressant pour tout le monde. Et
on afficherait la liste des mots-clés bien en vue dans les écuries...
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