Le cheval est plein de bonne volonté : il obéit, il mémorise, et même,
la plupart du temps, il nous garde sur son dos. Mais il ferait encore
davantage si nous lui expliquions clairement ce que nous attendons de
lui. Un effort de communication s'impose.
Pour savoir s'il fait bien ou mal, le cheval n'a
que les aides. Celles-ci se renforcent et deviennent désagréablement
insistantes s'il ne donne pas la réponse souhaitée ; ou
s'adoucissent au contraire lorsqu'il
travaille correctement.Etre
ou ne pas être puni, en somme ! Logique, mais guère motivant. Et si
par malheur le cavalier tape dans la selle pendant un
grandiose allongement du trot, punit d'un retard de main un fort bon départ
au galop ; ou plus simplement n'ose pas relâcher ses aides parce qu'il
craint de ruiner le mouvement... alors le cheval ne sait plus s'il fait bien ou mal, et
vit dans l'incompréhension. Très vite, il se désintéressera de sa tâche...
Pour le motiver, il est donc sage de faire régulièrement
appel à des récompenses concrètes. Mais que de difficultés
pratiques ! Pour offrir un temps de repos ou une friandise, il
faut interrompre le mouvement que le cheval vient de réussir... et
sur le champ, puisqu'au delà de 3 secondes de délai, il ne
comprendra plus pourquoi on le récompense... Autant dire qu'il est
exclu de procéder ainsi pour des exercices dynamiques, comme les sauts,
les départs au galop, les changements de pied...
Même avec la meilleure volonté du monde, on ne
peut donc récompenser qu'une fois de temps en temps, et encore, pas
n'importe quel mouvement. Or pour créer une vraie motivation, il
faudrait que le cheval soit le plus souvent possible informé de la
satisfaction de son cavalier.
La
voix à la rescousseHeureusement, il y a la voix. A défaut de donner
la récompense sur le champ, on peut l'annoncer. Et ça change tout.
Au moment exact où le cavalier estime que le mouvement est réussi,
il dit "c'est bien", ce qui ne dérange ni ses aides, ni le
mouvement en cours. Si ce mot a un sens pour le cheval, le bon geste
va se graver dans sa mémoire, et sera volontiers reproduit.
Exemple, le changement de pied, mouvement qui ne peut être atteint
progressivement : ça passe, ou pas... Lorsque le cheval le réussit,
la première fois, il se montre inquiet, étonné de ce qu'il vient de faire.
S'il est félicité aussitôt, il se rassure, comprenant qu'il a bien fait.
Il suffit de 4 ou 5 mots pour commenter le travail du cheval avec
une extrême précision, quels que soient la discipline et les exercices.
Au lieu d'enchaîner des mouvements sans comprendre, voilà qu'il est tenu informé en
permanence, et en douceur, de la qualité de son exécution.Enfin, il
sait comment faire pour mériter des récompenses, et éviter les réprimandes.
Alors, forcément, il se met à participer, il s'intéresse, il fait de son mieux. Et il
devient un vrai partenaire. Et même un partenaire qui pardonne les erreurs, les aides
approximatives, s'efforçant de réussir quand même le mouvement, au
lieu d'en profiter pour le "rater"...C'est le seul risque
de la méthode : grâce à elle, on
peut se permettre d'être un cavalier moyen !
A première vue pourtant, les mots n'ont ni la
saveur d'un sucre, ni le piquant d'un éperon, même si on met le
ton... Mais le cheval apprendra vite à en tenir compte, si vous les associez à des
interventions concrètes :
"Non" :
Ce mot signale une erreur. Départ au galop non demandé ou à
faux, perte du pli, trottinement...
Les aides interviennent aussitôt pour rectifier l'attitude ou le
mouvement. Progressivement, le cheval apprend à se corriger de lui-même
dès l'indication vocale, puis à éviter la faute. L'important, c'est
que le "non" ne soit jamais associé à la violence ou la
punition : c'est une information, pas une menace : il ne
doit provoquer ni inquiétude, ni contraction.
"Dis !" :Plus menaçant, ce mot sanctionne les graves désobéissances,
les manquements à une règle parfaitement connue (paresse à la
jambe, par exemple). Le renouvellement incessant d'une même faute -et
du "non" qui l'accompagne- peut y conduire également.Si
le cheval ne corrige pas aussitôt son incartade, une
sanction physique s'ensuit (dans les 3 secondes). Une fois connu, le
mot permet donc d'éviter une punition systématique, sans perte
d'autorité. Mais il doit rester rare. Sinon il traduit un malaise :
soit que le cavalier, trop faible, le prononce sans jamais oser punir,
soit qu'il se montre au contraire trop exigeant.
"C'est bien" : Plus
difficile à enseigner, ce mot essentiel signale un exercice réussi.
Prévoir 3 phases d'apprentissage :
- D'abord, le prononcer lors d'exercices statiques, arrêt,
sagesse au montoir, bridage, ce qui permet de donner une
friandise en même temps. En profiter pour caresser, car ce geste
simple prendra lui aussi plus de valeur s'il est régulièrement
associé au sucre, ou au repos.
- Ensuite, choisir des exercices lents :
pirouette, reculer, épaule en dedans au pas. Dès que le mouvement
est bon, dire "c'est bien, allez", s'efforcer d'obtenir
encore deux ou trois pas, puis arrêter à la voix. Répéter
"c'est bien" et donner une friandise ou un temps de pas rênes
longues, ou les deux. Si le cheval cherche à s'arrêter et tourne la
tête vers vous quand il entend "c'est bien", c'est bon
signe, mais la difficulté sera maintenant de l'empêcher de mettre
fin de lui-même à l'exercice !
- Il va donc falloir enfin lui apprendre à
prolonger son effort, "malgré" les félicitations vocales.
Pour cela, choisir un exercice simple et dynamique, cercle au galop
par exemple. Dès que le mouvement est bon,
dire "c'est bien" en caressant, mais relancer aussitôt
l'action (gentiment !) si elle s'interrompt. Recommencer jusqu'à
ce que le cheval, déçu, maintienne son effort. Alors seulement, dire
"OK", relâcher complètement les aides, puis arrêter à la
voix pour récompenser.
"OK" : C'est donc la mise en liberté qui récompense
l'application du cheval. Ce mot clôt logiquement une suite de
"c'est bien"... Les aides se relâchent complètement, on
caresse, et on laisse faire. Selon son tempérament et l'exercice précédent,
le cheval donnera une descente d'encolure, une accélération, ou un
coup de frein immédiat pour attendre son sucre ! Ce moment de
relaxation peut constituer une récompense en soi, et évite
d'associer "c'est bien" avec l'interruption de l'exercice,
ce qui, nous l'avons vu, présente des inconvénients.
"Voilà" : Une dernière
indication utile, que le cheval comprendra à l'usage. On s'en sert
lorsqu'on vient de dire "non" et que la faute est rectifiée,
ou lorsque le mouvement évolue dans le bon sens, sans atteindre
encore la perfection souhaitée. Cela évite d'associer "c'est
bien" avec un mouvement imparfait, tout en permettant
d'encourager les progrès. Logiquement d'ailleurs, "c'est
bien" ne tarde pas à suivre...
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