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Changer d’allure à la voix, c’est facile(Cheval Magazine n°352, mars 2001)article de Véronique de Saint Vaulry
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Les chevaux obéissent très volontiers à la voix, pour peu qu’on leur prenne le temps de leur en expliquer le sens : une éducation particulièrement adaptée à la pratique de l’extérieur. En manège, le but du cavalier, c’est surtout d’apprendre à contrôler son corps, pour améliorer ses aides et peaufiner son équitation. Mais une fois dehors, les priorités changent : c’est d’abord le cheval qu’il faut contrôler, parce qu’il n’y a plus de murs pour l’encadrer, parce que la vie est précieuse et les camions fréquents. Peu importent en fait les aides utilisées, mains, pieds, dents, voix ou gestes, pourvu qu’elles assurent au couple confort et sécurité... Or si on y prend le temps d’y réfléchir, on s’aperçoit que les aides tactiles traditionnelles présentent en extérieur une énorme quantité d’inconvénients, dont on a souvent du mal à s’apercevoir, tant l’usage en est ancré... D’abord, les rênes s’opposent à la liberté de balancier du cheval, l’empêchant de scruter son environnement, et lui donnant une impression d’enfermement qui l’insécurise. Ensuite, à l’autre bout, le cavalier a bien autre chose à faire de ses mains : il lui faut repousser les branches basses, pointer l’itinéraire sur la carte, se retourner pour vérifier ses poursuivants ou son mulet de bât... S’il tient ses rênes de trop près pendant ses diverses activités, la bouche et le moral de sa monture risquent d’en prendre un coup. Face à ces incompréhensibles actions de rênes, mais aussi de jambes et d’assiette, le cheval hésitera sur les réponses à fournir... “ Est-ce que mon cavalier me demande quelque chose, ou pas ? ” Dans le doute, il finit par s’abstenir de répondre, ou même par s’affoler.. Pour ramener un peu de compréhension et de sérénité dans le ménage, la recette est vieille comme le monde : la parole ! Puisque le langage tactile n’a plus la précision, la douceur et la rigueur nécessaire, la voix peut sauver la communication dans le couple, et devenir l’aide n°1 pour l’extérieur : douce, indolore, efficace, elle plaît incroyablement aux chevaux, qui ne se font pas prier pour l’adopter. Encore faut-il en bien comprendre le fonctionnement. Car très souvent, la voix est mal utilisée et apparaît plus comme une manie ridicule que comme un véritable outil. Si c’est pour répéter “ au pas, au pas, au pas ” sur tous les tons à une jument qui trottine gaiement sans se laisser abattre, ça ne sert à rien. Si c’est pour faire résonner le petit bois d’injonctions modératrices (“ là, arrête, ho, ho !) dans le vain espoir de calmer un poulain excité qui danse et surchauffe, ça n’en vaut pas la peine. Et si l’ordre “ galop ” ne donne un résultat qu’une fois les deux jambes enfoncées dans les flancs de l’animal, c’est que décidément la voix ne marche pas... Il ne faut pas confondre parler et travailler à la voix. Trop de cavaliers considèrent la voix comme un petit plus, qu’ils rajoutent aux autres aides sans les remplacer, pour vidanger leurs états d’âme ou se sécuriser. Dans ces conditions, leur monture n’apprend pas à donner de réponses précises à des ordres précis (voir encadré). Elle s’habitue simplement à ce flot de paroles incompréhensibles : trop de bla-bla, ça n’intéresse pas. En moins de deux ! Pour mener l’éducation vocale à bien, il faut comprendre que pour le cheval, la voix c’est du chinois ! Inutile de répéter les mots en criant de plus en plus fort ; la seule manière de leur donner un sens, c’est de les “ traduire ”. Et ensuite, même s’il commence à en saisir le sens, il n’est pas obligé d’obéir. C’est au cavalier d’expliquer, puis de motiver la réponse. Sans répéter, sans crier... Pratiques et faciles à vérifier, les indications d’allures constituent un bon point de départ. À condition bien sûr, de ne pas essayer “ galope ” avec un trotteur juste réformé, ou “ arrête ” avec un fébrile, du moins les premiers temps... Préférer une transition aisée pour commencer : pas/trot, ou trot/galop par exemple... Une fois l’ordre vocal défini (voir encadré), choisir une portion d’itinéraire qui permette de refaire cette transition un grand nombre de fois. Il ne reste qu’à pratiquer avec patience la bonne vieille technique de l’escalade : 1. Indication vocale, prononcée une seule fois, sur un ton neutre, et distinctement. 2. Si le cheval n’a pas répondu au bout d’une seconde, intervention des aides tactiles, qui “ traduisent ” l’ordre vocal et provoquent l’allure. Le délai entre ces deux interventions constitue la clé de la réussite. Il faut vraiment laisser une seconde de délai au cheval pour répondre à l’ordre vocal. Si les aides interviennent trop tôt, elles vont se confondre avec la voix, qui ne pourra jamais prendre effet à elle seule. Mais si elles arrivent trop tard, le lien de cause à effet risque de se perdre, ou la réponse de manquer d’empressement. Pour obtenir des résultats dès la première séance, la recette est simple : il faut multiplier les essais. Une série de dix, un bon temps de repos, une autre série, etc. On veillera cependant à faire ses demandes à intervalles variés, sinon, l’élève pourrait se mécaniser, en remarquant qu’on lui demande un départ au trot toutes les 20 secondes, et en oubliant de s’intéresser à l’indication vocale. La séquence donne bien sûr tout autant d’occasions de pratiquer la transition inverse (trot/pas, ou galop/pas) : on peut en profiter pour enseigner le signal vocal correspondant, si l’on arrive à penser à tout, ce qui n’est pas forcément évident au début ! Affaire à suivre Étonnamment, cette procédure doit rester la même pendant toute la carrière du cheval. Jamais le cavalier ne donnera une indication vocale sans se tenir mentalement prêt à en imposer l’exécution dans la seconde qui suit. Bien sûr, le cheval éduqué va répondre à la voix 9 fois sur 10. Mais lorsqu’il se fait un peu prier ou qu’il n’en tient pas compte, il faut s’en apercevoir et réagir, sinon, le dressage à la voix va très vite régresser. On ne doit en aucun cas prononcer une indication d’allure si l’on est pas prêt à la faire appliquer, ou pas capable de l’imposer. Une règle simple mais qui comporte ses contraintes : n ne pas insérer les indications d’allures connues dans la conversation : ne pas dire “ On trotte après le pont ? ” ou “ Arrête de zigzaguer ! ” si le cheval connaît “ trotte ” ou “ arrête ”... n ne pas donner une indication d’allure impossible à faire appliquer. Dire “ au pas ” à sa monture alors que le groupe la dépasse dans un nuage vrombissant. Ni lui intimer “ galop ” alors qu’elle commence à déployer les aérofreins à la vue d’un tas de bois bâché. n Aller au bout de ses demandes : si l’on a dit “ arrête ”, ne pas se contenter d’un retour au pas. Il fallait réfléchir avant ! Une fois les transitions de base acquises, on peut profiter des facilités offertes par la voix pour faire étudier au cheval des transitions plus difficiles, qui développeront son équilibre et son attention : arrêt/trot, pas/galop, trot/arrêt... Ou travailler sur le maintien de l’allure dans les franchissements : enjamber un fossé “ au pas ”, sauter un tronc avec réception au “ trot ”... Plus on lui en demande, plus il en donnera.. |
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Testez votre voix Comment vérifier qu’une indication vocale est acquise ? Facile ! Prenez par exemple l’ordre “ trotte ”. Marchez au pas tranquillement dans un bon chemin. Assurez-vous que toutes vos aides (rênes, jambes, assiettes) sont relâchées. Prononcez l’ordre une fois, sans rien changer à votre position. Dans la seconde qui suit, votre cheval doit avoir pris le trot tout seul ! S’il met deux ou trois secondes pour se décider, que vous devez répéter votre demande, crier, ou faire intervenir d’autres aides, c’est qu’il ne répond pas encore bien. La bonne solution consiste à imposer le mouvement sans tarder (aides tactiles) : c’est la formation qui continue.
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Encadré Choisissez vos mots N’importe quel mot peut convenir, puisque le sens en sera enseigné au cheval. Mais quelques précautions s’imposent au moment du choix :
- abstenez-vous d’y associer un ton particulier,
sinon le cheval ne fera pas attention aux syllabes, et vos amis n’arriveront
jamais à s’en servir. Mais évitez de réunir dans votre liste “ arrête, arrière, canter ”, ou “ holà, au pas, au trot ”, sous peine de confusions. |