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La réaction de peur n'est pas une désobéissance ordinaire. N'attendez pas d'être en
situation délicate pour vous y intéresser : seul un travail préventif permet de rendre
la peur plus rare, et les réactions du cheval moins excessives...
Les chevaux ne naissent pas égaux face à la peur. L'un sera prompt à ronfler et
à sursauter, l'autre peu regardant et facile à rassurer. Mais même si vous avez choisi
un compagnon calme et sûr, un Elite Loisirs serein, un quarter horse impavide, il aura peur,
un jour ou l'autre... C'est un cheval, après tout !
Chacun admet qu'il faut travailler la souplesse du cheval, et son souffle, et ses muscles...
Mais sa confiance, combien pensent à la développer ? Il y aurait pourtant là de quoi occuper
bien des séances ! Un travail bien mené rendra la peur de plus en plus rare et discrète,
au point que nul, sinon le cavalier, ne la remarquera.
Les limites de l'expérience
Sauf cas particulier, c'est l'inconnu qui effraie le cheval. Si on lui permet de
rencontrer des objets et des terrains variés, et de constater qu'il n'y a rien à craindre,
il se blasera peu à peu. Installez-le par exemple dans un pré en bord de route, parcouru de
fossés et de ruisseaux, ou dans un paddock garni d'objets hétéroclites... et laissez faire
le temps.
Mais vous constaterez peut-être avec étonnement qu'une fois sur son dos, vous n'arrivez
plus à lui faire franchir le ruisseau de son pré, celui-là même qu'il traverse sans broncher
quatre fois par jour ! Et qu'il panique soudain devant les voitures, alors qu'il lui en passe
des centaines sous le nez pendant sa sieste... Il faut se rendre à l'évidence : votre
présence en selle modifie sa perception des choses.
En effet, sans la confiance, l'expérience n'a que des effets limités... D'autant plus
limités qu'on ne peut présenter au cheval tous les objets de la création : il a beau être
habitué aux tracteurs, il s'inquiétera d'une moissonneuse-batteuse. Et quoique très ami avec
votre parapluie bleu, il bronchera peut-être devant un parapluie rouge.
Ca agace, mais chez un cheval, c'est normal.
Mériter sa confiance
Comme nous l'avons montré le mois dernier, à chaque frayeur, le cavalier réagit
instinctivement par un renforcement des aides, qui va vaincre les résistances de sa monture,
sans lui permettre de se rassurer. Au bout de quelques expériences de ce genre, le cheval sait
que son cavalier ne lui sera d'aucune aide, se méfie de lui, reste sur le qui-vive, et
cherche à déjouer sa surveillance.
Pour établir la confiance, le cavalier doit au contraire se montrer compréhensif, et
profiter de la moindre occasion pour aider le cheval à surmonter sa peur, par la technique
du relâchement des aides. Un comportement tellement systématique qu'il deviendra prévisible
pour sa monture. Alors seulement, celle-ci commencera à se rassurer, et la confiance aidant,
montrera de plus en plus de sang-froid. Trois règles à suivre :
- Acceptez la peur. Victime d'une émotion qu'il ne peut maîtriser, le cheval effrayé n'a pas conscience
de commettre une faute en refusant d'avancer. Si vous le grondez ou le punissez, vous renforcez son
affolement. Si vous déjouez sa peur en obtenant le franchissement par surprise (fossé abordé
ventre-à-terre), il se sent trahi et commence à se méfier de vous. La seule bonne méthode
consiste à le rassurer. Même s'il semble s'effrayer d'un rien... Car le cheval n'est pas un
simulateur, quoiqu'il soit parfois plus facile de l'en accuser que de comprendre un effroi inattendu :
un haut niveau d'impulsion, de tension, d'activité des aides, augmente par exemple l'émotivité, faisant
apparaître des inquiétudes jusque là invisibles. Seule la confiance en viendra à bout...
- N'ayez pas l'air d'avoir peur,
que ce soit ou non le cas... Le simple fait de faire demi-tour, pour
revenir bien droit sur la difficulté, laisse penser au cheval, l'espace d'un instant, que son
cavalier a lui aussi envie de s'enfuir. C'est encore pire si parfois on accepte de capituler
et de renoncer devant les véhémentes protestations de sa monture : elle croira vous
avoir convaincu du danger !
Mais l'erreur la plus courante, c'est d'enserrer le cheval dans les aides dès qu'on
le sent hésitant. A sentir son cavalier se crisper ainsi sur son dos, le cheval s'affole,
persuadé que son maître partage son inquiétude (ce qui est parfois vrai !). La bonne
réponse à la peur du cheval, c'est une totale décontraction du corps, et surtout des aides
qui se relâchent !
-Laissez-le se rassurer. Ce relâchement des aides, longuement décrit le mois dernier,
donne en outre au cheval l'impression d'être libre face au danger, ce qui l'apaise
considérablement. A tel point que si on l'habitue à marcher rênes longues en promenade,
il aura peur moins souvent, et paradoxalement, manifestera ses craintes de manière plus
mesurée. Osons !
Quand la peur est là, cette fameuse liberté d'encolure lui permet d'aller poser le nez
sur ce qui l'inquiète. Cet examen rituel est la clé du problème. Si vous prenez la peine
de l'obtenir à chaque fois, sans bousculer le cheval (temps d'arrêt préalable), il saura
qu'il peut compter sur vous, et bientôt, à la moindre inquiétude, il ira de lui-même
inspecter l'objet ou le passage qui l'effrayaient. Le temps d'arrêt disparaîtra bientôt,
et l'expérience aidant, les peurs deviendront moins fréquentes : c'est perdre du temps pour
en gagner...
Les règles du jeu
Le cheval va ainsi apprendre à poser le nez sur tout ce qui l'alarme. Au début, peu
sûr de lui, et sans doute habitué à n'en pas avoir le droit, il mettra du temps, n'osera
pas, tergiversera... A vous d'être assez obstiné pour patienter, l'encourager, attendre.
C'est une convention à établir : "Tu as peur ? Je rends les rênes, et tu vas y mettre
le nez !" Mais en échange, imposez 2 règles : rester face à la difficulté (ni reculer
ni dérobade), et la franchir ! Si vous y veilllez à chaque fois, elles vont devenir une
véritable obligation morale pour le cheval, et vous n'aurez plus qu'à le laisser faire.
Pour y arriver, ne laissez pas faire le hasard. Créez des occasions, ce qui vous
permettra de commencer par le plus facile. Une bâche lundi, un vélo mardi, un parapluie
mercredi... Vous tisserez ainsi la confiance. Evitez évidemment de le trahir : gare
aux marécages où l'on s'embourbe, aux trous d'eau où l'on boit la tasse, aux planches
à bascule... Une mauvaise surprise de ce genre va tout remettre en question. Jamais il
n'accepterait ensuite de vous laisser juger tout seul des endroits où vous l'emmenez.
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