
Sous ses airs de récréation, la promenade est une activité plus difficile
qu’il n’y paraît : la variété de l’environnement représente en effet une inépuisable
source de danger et de contestations
Dans le planning des cavaliers d’intérieur, la balade a toujours des petits airs de récréation
: moment béni pour les chevaux qu’on laisse aller, sans trop d’exigences,
pendant qu’ils hument l’air revigorant, et que leurs oreilles dansent au rythme
des p’tits oiseaux. On en viendrait presque à envier ces cavaliers d'extérieur
qui passent leur temps à se promener sans rien faire, perchés sur leurs montures
débonnaires. Quoique sachant à peine monter, ça discute, ça plaisante, ça
mange des sandwiches, en contemplant le paysage. « Facile, la balade ! »,
s’imagine-t-on un peu vite Partant de cette fausse idée, nombre d’amateurs
s’improvisent propriétaires dès qu’ils trouvent un hectare à louer près de
chez eux. Hélas, parfois il s’avère que leur monture se fait de la promenade
une idée moins paisible qu’eux. D’écarts en cabrers et de trottinement en
demi-tours, ils finissent par se faire peur, voire mal, et bientôt le noble
animal finit en décoration de jardin, bête à manger du foin
Voyage au pays du « ouf ! »
Certes, à première vue, la promenade semble bien moins risquée que les acrobaties aériennes du
cross ou du concours hippique. Pourtant le danger rôde partout, pas toujours
facile à déceler pour celui qui s’aventure dehors sans formation spécifique.
Bien souvent, les amateurs frôlent des catastrophes avec une totale inconscience.
Jusqu’au jour où... C’est par exemple au milieu des vignes, la rencontre d’une
grille d’écoulement cachée par les herbes, juste assez large pour y coincer
un sabot ; la boîte aux lettres à colombages, tapie dans une haie, qui provoque
un bel écart stupéfait au moment où une voiture arrive ; le cheval équipé
d’une martingale fixe qui manque se noyer après avoir trébuché dans un gué
; une flaque que l’animal évite d’un coup de rein, raclant le genou de son
cavalier contre un arbre ; un retardataire qui trotte dans un tournant pour
rattraper le groupe au risque de déraper sur le goudron ; une branche basse
qu’on aperçoit à la dernière minute, mais le cheval ne veut pas s’arrêter...
Il suffit d’ajouter à cet inventaire quelques « monstres », canoë, chevreuil
à décollage vertical, moissonneuse sur chemin étroit, pour que l’aimable promenade
tourne définitivement au cauchemar.... À moins de se cantonner à des allées
cavalières désertes, larges et damées comme des manèges, l’extérieur peut
se révéler un univers menaçant. La sécurité commence par cette prise de conscience.
À cavalier prévenu, danger prévenu !
Le paradoxe des influences extérieures
Certes, la plupart du temps, rien de grave ne se produit. On voit même des cavaliers presque
débutants dérouler paisiblement leur promenade, malgré une assiette qui penche
et des aides improbables. Un tel miracle s’explique par l’extraordinaire influence
de l’environnement sur les montures : remorquées par leurs congénères, cadrées
par les chemins, calées par une vie équilibrée en pâture, elles jouent honnêtement
leur rôle alors qu’elles seraient incapables de la moindre performance individuelle.
Un cavalier solitaire ne pourrait sans doute obtenir d’elles ni volte ni départ
au galop, à supposer qu’il sache les décoller de la porte du pré ! En effet,
dès lors que vous cherchez à pratiquer une équitation d’extérieur indépendante
et autonome, les influences extérieures deviennent votre pire ennemi. À cause
d’elles, le cheval se met à avoir des envies, des avis, des opinions sur tout.
À chaque désaccord, il vient tester votre volonté, votre habileté, votre vigilance,
vos outils... Il ne mettra guère de temps à constater les failles et en tirer
parti. C’est au sein du groupe que ce problème trouve ses illustrations les
plus manifestes : chevaux qui trottinent, qui menacent leurs semblables, qui
refusent de marcher en tête, en queue, de se laisser dépasser, de s’éloigner
des autres Même la monture la mieux dressée du monde cherchera parfois à vous
faire une « infidélité », si elle évolue en troupeau. C’est équin, que voulez-vous
! Hors du groupe, les influences extérieures continuent de distiller leur
venin : l’herbe agite langoureusement ses brins odorants sous le nez du cheval,
pour le convaincre d’arracher les rênes ; les bâches en plastique s’agitent
sur son passage pour tirer de lui les plus belles figures acrobatiques ; le
sol s’obstine à être meilleur sous les branches basses, là où le cavalier
justement préférerait ne pas aller C’est tout un monde de tentations qui vient
perpétuellement perturber la bonne intelligence du couple, remettre en question
la vitesse, l’allure, la trajectoire et l’attitude
Celui qui veut accéder
aux plaisirs de la promenade ne doit pas en sous-estimer les difficultés.
Pour réussir dans ce milieu hostile, il est indispensable d’offrir au cheval
une équitation et une éducation qui lui permettent de résister aux influences
extérieures et aux mauvaises rencontres. Telle est la voie que cette rubrique
vous invitera désormais à explorer.
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(Encadré) Un grand
terrain de jeux éducatifs !
Dehors, les fleurs
sentent bon, les p’tits oiseaux chantent, et le cavalier se sent en vacances
Dans ces conditions, il a du mal à penser exercices, programme et règlement,
d’autant que les cercles et les figures du travail traditionnel ne « rentrent
» pas toujours dans les chemins, et qu’il est souvent nécessaire de laisser
au cheval sa liberté de balancier Il est malgré tout possible, et même indispensable,
de travailler dehors : c’est important pour le moral du cheval, qui ne comprend
pas la discipline intermittente ; c’est essentiel pour la sécurité du couple,
dans ce monde hostile et plein de surprises ; et c’est amusant ! Comparé à
la plate régularité d’un manège, l’extérieur est un incroyable terrain de
jeux éducatifs Un gué, 3 arbres, une pente, un bout de plastique, autant de
prétextes ludiques pour améliorer l’entente et l’habileté du couple.
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(Encadré)
« J’ai
pas l’niveau ! » Beaucoup d’amateurs d’extérieur se refusent à éduquer
leur cheval parce qu’ils se sentent incompétents. C’est malheureusement de
l’humilité mal placée Qu’il le veuille ou non, et quel que soit son niveau,
tout cavalier fait évoluer les bonnes manières de sa monture : Chaque fois
qu’il la laisse par exemple dépasser en main, bouger au montoir, changer d’allure
sans permission, négliger une pression de jambes, il fait régresser son éducation.
Chaque fois qu’il l’empêche de faire l’une ou l’autre de ces bêtises, il préserve
ou améliore son éducation. Même une simple balade à l’heure, dans les marais
de Noirmoutiers ou les bruyères du Haut-Languedoc, est un acte éducatif. Votre
monture d’un jour reviendra de son petit périple un peu mieux élevée, ou moins
bien, tout dépend de vous ! |