Allure de base en extérieur, le pas donne rarement satisfaction : trop lent, trop mou,
trottinant… Des lacunes assez faciles à combler, à condition d'y consacrer un peu de temps
et de volonté.
Dans les rêveries équestres du futur cavalier, le galop tient la première place.
Roulement de tambour des sabots, vent qui siffle aux oreilles, gerbes d'eau et de sable…
Les premières expériences sont grisantes, mais très vite, s'impose une évidence : le galop,
il ne faut pas en abuser ! Car l'air de rien, il réclame un bon terrain, fatigue quand même
beaucoup le cheval, et l'excite parfois. Voilà que le cavalier d'extérieur se retrouve à
caresser un nouveau rêve, moins poétique, peut-être, marcher au pas, marcher au pas
correctement, voilà ! Ne plus perdre son sang-froid à retenir une monture écumante,
qui précipite sans cesse, danse sur place, et s'agace contre les rênes. Ou à l'inverse,
ne plus dépenser toute son énergie à pousser et presser une montagne d'inertie, qui traîne,
et lève languissamment ses pieds l'un après l'autre, comme à regret… Ah, le doux bruit
d'un joli pas à 4 temps, rythmé et énergique…
D'un cheval à l'autre, l'aptitude au pas varie. Peut-être auriez-vous dû acheter
celui qui se méjugeait(1) de 20 cm. Mais puisque vous avez préféré celui-ci,
autant assumer, et essayer de lui faire exprimer tout son potentiel. Vous voilà promu
entraîneur de course…
Comme par magie
Le pas n'est sans doute pas " l'air " le plus spectaculaire de l'équitation. Mais
sous ses dehors rassurants et confortables, il ne se laisse pas facilement améliorer :
si le cavalier se contente de piquer des deux pour accélérer, il obtiendra seulement du
trot…
C'est le balancier du cheval qui détient la clé de son pas : pour que l'allure atteigne
un maximum d'efficacité, l'encolure doit d'abord pouvoir s'étendre à l'horizontale, et
balancer librement (en décrivant des 8), un peu comme les bras du marcheur qui bougent
en rythme avec ses enjambées. Hélas de nombreux cavaliers se promènent avec des rênes
ajustées, ou juste flottantes, qui gênent le mouvement de la tête. Pour préserver ses
gencives, leur monture adopte alors un port d'encolure relevé, et s'efforce de réduire
les oscillations de son balancier : l'amplitude du pas est contrariée, le risque de
trottinement augmente. Et tandis que notre homme s'échine à pousser la pauvre bête à
grands renforts d'assiette et de jambes, il l'empêche lui-même d'obéir, de ses propres
mains…
Le premier geste à faire, pour mériter un bon pas, c'est donc simplement de saisir
ses rênes à la couture et de poser sa main sur le garrot. On observe alors très souvent
de véritables métamorphoses. Tel cheval qui allait depuis des années le nez en l'air et
les postérieurs à la traîne se retrouve en moins d'une minute la tête basse, le dos
juste et le geste large, avec une pêche miraculeuse. Tel autre, qui piétinait et chauffait
comme une locomotive, va se détendre tout soudain, baisser placidement le nez, et
enclencher un pas-turbo de 7, 8 ou même 9 km/h, à la grande stupeur de son cavalier.
Pour en finir avec le trottinement
Bien sûr, abandonné au bout de ses rênes en guirlandes, le cheval non averti peut
s'imaginer qu'il n'est plus contrôlé. Comme nous l'avons expliqué le mois dernier, il va
tester sa liberté toute neuve pour voir jusqu'où elle le conduit, cherchant à changer de
direction, ou à trotter… Le cavalier doit rester vigilant, et agir sans retard dès qu'une
faute se produit, mais sans anticiper. Sinon sa monture n'apprendrait pas à se prendre en
charge. Il faut donc apprendre à sentir la différence entre quelques foulées de pas
précipitées et un début de trottinement.
Comment réagir en cas de faute ? le freinage " normal ", sur deux rênes, n'est pas
la meilleure solution, car il provoque raidissement et relèvement de l'encolure, ce qui
gêne physiquement le retour au pas. Mieux vaut associer une indication vocale (" non ")
à une brève résistance sur une seule rêne, dans l'axe du corps. Si le cheval n'obéit pas,
ou qu'il récidive trop souvent, concrétiser l'annonce en lui réclamant un tout petit cercle,
presque sur place. Dès qu'il aura repris le pas, rendre les rênes et le laisser repartir
en ligne droite… jusqu'à la prochaine foulée de trot. À condition d'être répété patiemment,
cet exercice du cercle se révèle très éducatif, parce qu'il laisse le choix au cheval.
C'est à lui de prendre sa décision, et quand il l'aura prise, la qualité du pas sera bien
meilleure. Encore faut-il proposer ce travail dans de bonnes conditions : cavalier calme,
et sans esprit de vengeance, rêne légère, contexte facile pour commencer.
Même la meilleure des méthodes ne peut réussir en l'absence de constance… Bien des
chevaux deviennent des trottinettes impénitentes simplement parce que leur cavalier
tolère des départs au trot qu'il n'a pas demandés : pour rattraper le groupe, pour
grimper sur la butte, parce qu'un congénère trotte, etc. Pour convaincre sa monture,
rien ne vaut un règlement stable, valable le lundi, le mardi, et les autres jours
aussi… Demander chaque temps de trot autorisé ; rectifier chaque départ au trot non
demandé. C'est clair, c'est net, et ça finit toujours par marcher.
Accélérer
À moins d'une monture très douée à qui il suffit de rendre les rênes, l'amélioration
du pas est un chantier qui prend du temps. Attendre d'abord que l'allure se consolide,
et que le trottinement devienne une rareté… Tôt ou tard, le cheval indiquera qu'il est
prêt à en faire plus, en accélérant de lui-même dans certains contextes. Par exemple
galvanisé par le retour ou un petit vent frais, tiré par un congénère plus rapide, ou
stimulé par une " piste de vitesse " : sol ferme, lisse, en légère descente…
Avant de réclamer des accélérations, le cavalier doit s'assurer qu'il n'entretient
pas le pas " normal "en poussant indéfiniment de l'assiette, des jambes, de la voix… Si
c'est le cas, il faut commencer par tout désactiver, et laisser le cheval marcher à sa
vitesse, quitte à demander le trot de temps en temps pour rattraper le groupe. Mission
difficile pour le cavalier, chez qui les stimulations permanentes sont devenues un véritable
tic. Abandonné à lui-même, le cheval commence par ralentir nettement, puis ne tarde pas à
retrouver sa vitesse de croisière habituelle.
Ainsi libérées de leurs activités inutiles, les aides pourront se consacrer aux
demandes d'accélération (voir encadré). L'idéal consiste à partir d'un pas plutôt lent,
pour être sûr d'obtenir une réponse, et à demander de très courtes pointes de vitesse :
lancer le cheval, le laisser continuer tout seul sur 2 ou 3 foulées, puis donner le signal
du ralentissement (voix + élévation de la main), avant qu'il n'en ait eu l'idée tout seul.
Bien féliciter. Peu à peu, il pourra donner de plus en plus de foulées de lui-même,
sans qu'il soit nécessaire de pousser ou d'entretenir l'allure. On évite ainsi de gaspiller
ses aides.
(1) Le cheval se méjuge si son postérieur vient se poser en avant de la trace de son antérieur…
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