(2ème partie) : 8 exercices pour conquérir l'indépendance
Pour conquérir en douceur l'indépendance du cheval, il faut l'amener progressivement à reporter sur son cavalier la confiance qu'il n'accordait jusque là qu'à ses semblables.
N'espérez pas faire apparaître l'indépendance d'un coup de baguette magique : c'est un travail de
fond. Inutile de piocher un exercice dans la liste de suivante, si c'est pour l'essayer 2 ou 3 fois
en espérant un miracle. L'indépendance est une véritable construction qui se façonne doucement,
se consolide patiemment, puis s'entretient obstinément.
Qu'il s'agisse de la promener en solitaire, loin de ses congénères chéris, ou de l'éloigner du
groupe pendant une sortie, 3 axes vont guider la préparation de notre trop grégaire monture,
pour une séparation dénuée de stress :
- développer des liens de confiance et de respect avec le cavalier par le travail à pied
- donner l'habitude d'obéir, en multipliant les petites demandes faciles
- aborder progressivement les évolutions individuelles, en jouant sur des allers & retours.
Devenir quelqu'un à pied
Si le cheval vous considère comme un bon compagnon, il cessera de se sentir seul. À vous de
gagner son estime, que vous n'obtiendrez ni en le gavant de carottes, ni en lui passant tous
ses caprices, mais plutôt à pied, en vous inspirant des comportements équins. S'il vous est pour
le moment difficile de l'éloigner des autres, pratiquez d'abord les exercices n°2 et n°3 sur place.
Quand votre contrôle se sera affirmé, vous pourrez augmenter progressivement la distance, par
allers et retours : 10 mètres vers la droite, 10 vers la gauche, 15 mètres vers la droite, 15
vers la gauche, etc.
Exercice 1 : Passer devant
Marchez à pied devant votre monture - et non à côté d'elle - pour ouvrir la voie en terrain de
plus en plus varié. Au fil des kilomètres, si vous ne l'entraînez pas dans des marais gluants
ou sur des ponts branlants, elle commencera à vous considérer comme un leader acceptable.
Exercice 2 : Distances
Pendant tout ce travail en main, imposez-lui de garder ses distances (cheval mag n°345). Elle
doit évoluer (au bout d'une longe lâche) à 60cm de vous au moins, ralentir quand vous ralentissez,
s'arrêter quand vous vous arrêtez. Variations de vitesse auxquelles vous procéderez fréquemment,
justement. Si vous la laissez coller, bousculer, déborder, vous vous comportez en " homme
invisible ", et jamais elle ne s'apercevra que vous pourriez faire un compagnon acceptable.
Exercice 3 : Pousse-pousse
Pour exister encore davantage à ses yeux, apprenez-lui à s'effacer devant vous : éloigner ses
hanches, ses épaules, son encolure, reculer. Au début, pour la décider, il faudra peut-être
une pression de main, ou un petit battement de gaule, à prolonger sans l'intensifier jusqu'à
ce que le mouvement s'amorce. Contentez-vous d'un seul centimètre dans le bon sens, félicitez,
laissez reposer, puis recommencez. Peu à peu, la réponse deviendra plus franche, plus facile.
Le but est d'obtenir ces mouvements sans toucher son cheval, simplement par indication gestuelles.
Conquérir l'écoute
Croyant s'assurer une bonne relation avec leur cheval, beaucoup de cavaliers choisissent
de " ne pas l'embêter ": ils le laissent brouter, trottiner, zigzaguer, dans l'espoir
qu'ayant été suffisamment ménagé, il acceptera d'obéir quand ce sera vraiment nécessaire.
C'est mal le connaître. Moins souvent il obéit, moins il en prend l'habitude. Il doit être
entraîné à l'obéissance, exactement comme on l'entraîne pour l'endurance ou pour le saut…
Exercice 4 : Faire carrière.
Un cheval trop dépendant a besoin d'apprendre à répondre aux aides hors du " remorquage "
de ses congénères. Avant d'espérer partir en balade individuellement, le cavalier doit vérifier
(ou installer) les freins, l'accélérateur et la direction. Inutile de posséder de somptueuses
installations, ni de chercher forcément à se mettre hors de vue des autres chevaux. Un angle
de la pâture, une cour, ou le bout de chemin devant la porte du pré peuvent faire l'affaire…
Demander une série de petites choses très faciles, à pied puis en selle : changements de direction
simples, arrêts, départs au petit trot. Féliciter chaque bonne réponse (relâcher les aides,
caresser), insister patiemment lorsque l'obéissance tarde. Peu à peu, le cheval apprend à
dire " oui ", il devient plus attentif et plus disponible.
Exercice 5 : Rappeler son attention
Qu'on travaille en main ou en selle, dès qu'on le détache un peu du groupe, le cheval dépendant
se met à hennir vers les autres. Ce faisant, il se crispe, sort des aides, et récolte une
réponse qui l'incite à recommencer. Ne laissez pas cette spirale infernale s'installer :
chaque fois qu'il hennit, donnez-lui à faire un mouvement simple, qu'il ne pourra pas refuser.
Par exemple, à pied, chasser les hanches ; en selle, changer de direction.
Si vous procédez systématiquement ainsi, il préférera rapidement s'éviter la peine de hennir,
ce qui l'aidera à oublier ses congénères. Vous pourrez étendre cette technique à tous les moments
où il recommence à penser à eux (coup d'œil, oreilles qui pointent). À force de rappeler son
attention, vous l'aiderez à s'apercevoir qu'il n'est pas tout seul, puisque vous êtes là !
Ateliers de groupe
L'indépendance ne peut reposer totalement sur le travail individuel. Même la monture la mieux
éduquée et la plus apprivoisée se laissera tenter par la grégarité une fois au sein du groupe.
Le cavalier devra étirer patiemment " l'élastique " qui la relie aux autres, sans excès d'exigence,
sous peine d'angoisse et de régression. C'est un dosage délicat.
Exercice 6 : Petit crochet deviendra grand
Pour apprendre à s'éloigner du groupe, la direction la moins inquiétante, c'est l'écartement
latéral. Au lieu de suivre passivement la croupe qui vous précède, demandez donc à votre monture
de faire de petits crochets. Quelques pas vers la droite, retour, quelques pas vers la gauche,
retour, etc. L'idéal consiste à choisir un but concret, arbre, buisson, poteau… À condition de
n'augmenter les distances que progressivement, le cheval rentrera dans le jeu, constatant qu'on
revient toujours vers les autres. En prime, sa maniabilité croîtra…
Exercice 7 : Le jeu du dépassement
À jouer à deux chevaux ou plus, et sans modération… Il s'agit de se dépasser mutuellement de
manière répétée. Les montures se rassurent en constatant qu'une séparation est toujours provisoire,
ce qui permet alors, sans les alarmer, d'augmenter progressivement l'intervalle qui les sépare.
Pour peu qu'on travaille par contrat, en restant rênes longues lorsqu'on est dépassé, et en
n'intervenant qu'en cas de faute, chacune apprendra à laisser l'autre changer d'allure sans
l'imiter. On peut commencer l'exercice au pas avec des dépassements au trot, puis envisager
arrêt/pas, trot/galop, pas/galop, etc.
Exercice 8 : Près des autres, on bosse, loin des autres, on bulle…
Pour aider une monture irréductible à accepter calmement l'idée d'une séparation, le cavalier
patient peut adopter la technique du " libre choix " à l'américaine. Poster le groupe au centre
d'un vaste espace dégagé (carrière, friche..), et proposer à sa monture l'alternative suivante :
travailler dur à proximité du groupe, ou se reposer à l'écart. Concrètement, on trotte ou on galope
autour des autres, puis on s'en écarte au pas. Si le cheval s'énerve et veut les rejoindre, on le
lui permet, mais au trot, et on recommence à travailler sans relâche autour d'eux. Avec un cheval
qui supporte mal de partir seul, on peut également jouer à ce jeu devant la porte du pré.
Pour réussir cet exercice, comme pour tous les précédents, il faut se donner du temps, et rester
d'humeur égale malgré la lenteur des progrès… Comment reprocherait-on au cheval d'être un cheval,
alors que c'est ce qu'on apprécie le plus chez lui d'habitude ?
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