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Pilotage automatique :Apprenez-lui à tenir ses allures(Cheval Magazine n°351, février 2001)article de Véronique de Saint Vaulry |
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Pour rendre son cheval d’extérieur sûr et responsable, il faut lui donner des responsabilités. Le respect de l’allure imposée constitue un contrat de base, très facile à mettre en œuvre. De nos jours, les meilleures voitures sont celles qui font tout le boulot : direction assistée, suspensions actives, freinage ABS, détecteur anti-collisions… Mais que d’années de recherches et que d’investissements il a fallu pour en arriver à ces options… Nous autres cavaliers pouvons bénéficier depuis des millénaires de ces perfectionnements. Et pour pas cher ! Certes, elle ne nous encourage guère sur cette voie, l’équitation actuelle qui nous enseigne à encadrer constamment le cheval dans un entrecroisement d’aides : mains ajustées, jambes serrées, assiette active. Aucune initiative ne lui est laissée, aucune responsabilité. Il devient une petite machine à pédales, à manettes et à boutons. Petite machine dans laquelle le cerveau n’a rien à faire... Ainsi conçue, l’équitation présente un triple danger. Enserré dans les aides, la monture perd le libre usage de son balancier, ce qui se révèle effrayant pour un animal de fuite qu’on promène dans une campagne pleine de tracteurs rugissants, de fourbes faisans et de bouts de plastique. Comme son esprit n’est mobilisé par aucune tâche, elle a tout son temps pour s’alarmer de son enfermement, repérer des détails louches, chercher les failles du contrôle exercé par son cavalier – sait-on jamais, s’il fallait s’enfuir ! De son côté, l’homme ne peut compter que sur son habileté, puisqu’il exerce un contrôle purement physique, et non mental : si ses rênes lui échappent, malheur à lui ! À l’usure Il est rare que le cavalier prenne conscience des implications psychologiques de cet interventionnisme des aides. En revanche, il en remarquera probablement les inconvénients physiques, pour peu que ses balades se prolongent au-delà d’une ou deux heures. En effet, on ne peut indéfiniment faire agir les aides tactiles sans ressentir divers tracas : fatigue, crampes, bobos, courbatures. S’il a bien énergiquement poussé ou retenu sa monture pendant toute une longue journée de rando, d’endurance ou de TREC, le cavalier risque de se sentir un peu raide et moulu, le soir, au coin du feu… Est-ce tellement la peine de se faire transporter, si c’est pour finir plus fatigué qu’à pied ? A de rares exceptions près, les chevaux se répartissent en 2 catégories : ceux qui voudraient aller plus vite, et qui tirent, arrachent les rênes, trottinent ou bondissent ; ceux qui voudraient aller moins vite, et qui vous laissent entretenir le mouvement, ralentissant dès que vous cessez de les stimuler. Ce comportement peut résulter du tempérament du cheval, ou des effets de l’environnement : fatigue du voyage, excitation du groupe, ou attrait du retour. Parfois, le profil varie selon l’allure : un marcheur mollasson devient énergique au trot, ou un excité au pas s’assagit aux allures supérieures. Mais dans tous les cas, lièvre ou tortue, c’est vous le vrai responsable. Si votre monture laisse son allure s’éteindre ou s’emballer, c’est parce que vous ne lui avez donné aucun contrat, laissé aucune responsabilité à ce sujet. Vous comptiez jusqu’ici sur les aides pour moduler la vitesse… Faites donc un peu appel au cerveau, la différence vous surprendra. Respect de l’allure, mode d’emploi Peu importent l’âge du cheval ou ses expériences passées. Vous allez lui mettre en main un marché si simple et si avantageux qu’il mettra quelque minutes pour s’y intéresser, et quelques demi-heures pour l’adopter définitivement. Voici les termes du contrat : vous cessez toute action (même discrète) des aides : rênes en belles guirlandes arrondies, jambes décollées du poil, assiette neutre et relaxée. En échange de ce confort, vous allez réclamer à votre partenaire une petite chose toute simple : tenir l’allure. Plus tard, bien sûr, quand il saura appliquer cet accord, vous pourrez être plus précis encore, et lui apprendre à tenir un rythme : trot moyen, petit galop, pas rapide, trot allongé, etc. Mais pas trop d’amibition pour le moment : occupons-nous d’abord de “ caler ” les allures. Pour commencer, surtout si vous montez un “ lièvre ”, choisissez un cadre le plus sécurisant possible. Par exemple, vous pouvez commencer les leçons en carrière ou en manège, ou vous faire accompagner par un sage maître d’école, ou attendre le milieu de séance, afin que votre monture soit bien détendue. Ne faites pas comme ces cavaliers imprévoyants qui “ se baladent ” quand tout va bien, et ne cherchent des solutions qu’une fois leur cheval à moitié embarqué… Autant mettre le règlement en place quand les circonstances facilitent les choses, puis faire monter doucement le niveau de difficulté. Une fois le cadre choisi, il ne vous reste qu’à installer le cheval dans l’allure de votre choix : relâchez alors complètement et immédiatement toutes vos aides… mais pas votre attention ! Votre mission consiste désormais à surveiller l’allure comme du lait sur le feu. Vous allez sûrement voir la “ faute ” arriver de très loin, mais n’intervenez pas tant que l’allure n’a pas changé. Pour que votre monture apprenne à se prendre en charge, il lui faut une limite facile à identifier. La rupture d’allure en est une : attendez-la. On est parfois étonné de s’apercevoir que ce mollasson qui semblait toujours à deux doigts de reprendre le trot, du temps où l’on poussait le galop à chaque foulée, parvient à tenir l’allure alors qu’on le laisse faire tout seul ! Chaque erreur est éducative Forcément, au début, des erreurs se produiront. C’est logique. Le cheval ne sait pas encore qu’il y a un règlement. Il lui faut le temps de le comprendre, de l’accepter, puis d’en faire un réflexe. L’apprentissage sera d’autant plus rapide que vous serez attentif et efficace. Si vous laissez trottiner 5 foulées avant de ramener le pas, si vous laissez trotter 10 mètres avant de rétablir le galop, attendez-vous à une application imprécise de votre règlement. Ce sera important pour l’animal si c’est important pour vous ! Quand l’allure aura commencé à se stabiliser, que les fautes “ directes ” seront devenues rares, n’hésitez pas à lancer de petits défis à votre monture, pour consolider sa formation. Abordez un accident de terrain, petite pente, léger creux, sans agir du tout sur les aides ; une petite indication vocale de rappel est la seule intervention possible. Forcément, la première fois, un changement d’allure se produira, et vous interviendrez pour rétablir l’allure. Recommencez tranquillement, jusqu’à ce que votre partenaire réussisse à tenir volontairement l’allure demandée. Félicitez chaudement, récompensez, en n’hésitant pas à mettre pied à terre sur le champ. Ce genre de petit défi calera de mieux en mieux chaque allure, permettant des “ paris ” de plus en plus difficiles : saut d’un fossé, d’un obstacle, dépassement par un congénère… |
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Encadré Fuite en avantCertaines montures donnent toujours l’impression de vouloir accélérer. On a tort de croire que c’est de la générosité, de l’excitation, qu’elles en veulent… C’est bien souvent une réaction contre l’omniprésence de la main : tandis que le cavalier freine presque en continu, le cheval ne cesse de pousser contre cette main qui le “ bride ”. Cercle vicieux. Monté sur des rênes en guirlandes, il retrouvera le calme qui semblait impossible. Paradoxalement, on le contrôlera donc mieux en cessant de le tenir ! |
Mesures d’économiePlus une aide est utilisée fréquemment, plus elle s’use : le cheval s’y habitue et réagit de moins en moins. Pour éviter ce problème, le cavalier doit constamment se surveiller, pour vérifier qu’il n’entretient pas l’allure par des jambes actives, un bassin qui pousse, une voix qui stimule. C’est souvent difficile de changer ces habitudes, devenues de véritables réflexes : au début, il faudra de gros efforts de volonté et de concentration pour desserrer les aides, ne serait-ce que quelques secondes, le naturel revenant au galop. L’intervention d’une aide doit être rare, et produire une réponse visible. Sinon, il faut aussitôt (et dans la seconde qui suit) non pas répéter mais renforcer cette aide pour faire réagir. Ainsi, la prochaine fois, le cheval y fera attention. Utilisée dans ce cadre strict, la cravache se révèle un bon outil. |