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Arrêts et immobilité(Cheval Magazine n°353, avril 2001)article de Véronique de Saint Vaulry |
Un bon cheval d’extérieur doit s’arrêter aisément et tenir l’immobilité. C’est une question de sécurité et de confort. Mais un tel résultat ne va pas sans quelque entraînement... Le cheval est un animal bien étrange : de toutes les tâches qu’on peut lui demander, la plus difficile, c’est probablement de ne rien faire ! Rester là, sans bouger, quand on a été sélectionné depuis des générations pour la course et le saut, c’est un peu fort, non ? Pour mieux le comprendre, observons-le en liberté : il passe l’essentiel de son temps, plus de douze heures par jour, à brouter, brouter, brouter, le nez dans l’herbe, en se déplaçant. S’il s’immobilise, ce peut être pour deux raisons : scruter un détail qui l’inquiète, auquel cas il se tend, prêt à fuir, et son arrêt est déjà presque un mouvement, ou somnoler tranquillement. Or on somnole fort mal avec un cavalier sur le dos, surtout si celui-ci s’agite ou tend les rênes... Voilà pourquoi bien des chevaux répugnent à s’arrêter. Les plus tranquilles s’efforcent aussitôt de grappiller quelques brins pour subsister jusqu’à la saison nouvelle. Les plus vifs s’agacent, secouent la tête, tournicotent, virent et reculent, au point de basculer dans un fossé, ou de bousculer leurs voisins. Pourtant, même si c’est difficile à croire, ils aimeraient bien se reposer, eux aussi. Mais il faut les aider à trouver la paix intérieure, leur apprendre à aimer l’arrêt. C’est la mission simple et utile à laquelle nous nous attellerons aujourd’hui.
L’art et la manière S’il vous faut un mors sévère ou des biceps gonflés pour immobiliser votre monture, c’est sans doute que vous vous y prenez mal. L’erreur la plus fréquente, c’est de tirer sur les rênes pour arrêter... Car une traction continue ne manque pas de déclencher des résistances. Par réflexe d’opposition, le cheval s’arc-boute contre son mors et s’arrête braqué dessus, dans un mauvais équilibre, “ sur les épaules ”. Il est d’ailleurs courant d’en voir qui trébuchent pendant la phase de freinage. La solution à ce problème est double : n D’abord, faites précéder toute demande d’arrêt d’un signal doux (ordre vocal, retrait du buste...), intervenant une seconde avant les aides plus contraignantes. À condition que vous répétiez régulièrement cette séquence, le cheval finira par anticiper, et s’immobilisera sans attendre. Attention, l’ordre vocal choisi ne doit plus jamais être utilisé pour d’autres usages que le freinage complet. Si c’est “ arrête ”, vous n’aurez plus le droit de dire “ arrête !” pour calmer un début d’excitation, ni “ arrête de brouter ” quand il grappille une feuille, ni “ on s’arrête au carrefour ” pour prévenir vos compagnons... n Lorsque l’ordre vocal reste sans effet et que vous devez intervenir sur les rênes, bannissez toute traction continue. Le contact est affermi une demi-seconde, puis relâché, puis raffermi de nouveau, puis relâché. C’est pendant le bref moment où le cheval est laissé dans le vide que le ralentissement va s’amorcer... En cas de non-réponse, l’intensité de la traction peut augmenter progressivement, mais pas sa durée... Et au moment exact où l’arrêt se forme, il faut détendre instantanément et largement les rênes.
L’arrêt plaisir En effet, le cheval s’arrêtera bien mieux si le programme qui l’attend est appétissant. Or c’est rarement le cas... Bien souvent, la distance avec ses congénères en profite sournoisement pour se creuser, ce qui est très inquiétant pour un animal aussi grégaire. Bien souvent aussi, ce malappris de cavalier s’agite dans la selle, se penche pour ressangler à fond, déplie une carte bruissante... Mais le pire, c’est qu’il garde ses rênes soigneusement ajustées, pour parer à toute velléité de redémarrage... Du coup, au lieu de pouvoir se relaxer et peut-être somnoler un peu, encolure basse, le pauvre animal doit rester dans une attitude contrainte et inconfortable : alors, c’est plus fort que lui, il s’agace contre son mors, contre ses rênes, et cherche à les arracher, ou vire, recule, se cabre, dans l’espoir que son bourreau rendra la main... Pour faire aimer l’arrêt à son cheval, pas d’hésitation, il faut le lui rendre agréable. Dès l’immobilité, poser la main de conduite, rênes en larges guirlandes, pour rendre au cheval son balancier. S’il bouge, intervenir. S’il broute, intervenir. Puis rendre aussitôt les rênes, car l’arrêt et la sagesse doivent être dus à la seule volonté du cheval, non à la contrainte des aides. C’est un contrat. Sans lui, on sera bien dépourvu quand la peur ou l’excitation seront venues, soucis qui ne manquent justement pas d’arriver avec un balancier bloqué (voir cheval mag n°341)...
Cas difficiles On peut rééduquer l’immobilité de la plupart des chevaux simplement en adoptant la technique des rênes en guirlandes. Ils commencent par tester un peu cette apparente liberté, redémarrent de temps en temps à la poursuite d’une touffe d’herbe, puis acceptent de se reposer sur place. Si le cavalier est vigilant et qu’il intervient, gentiment, à chaque transgression du règlement, l’affaire est très vite entendue... Mais avec certains chevaux très angoissés, qui donnent l’impression de ne pas tenir en place, l’éducation réclamera un peu plus de doigté. Une solution efficace consiste à pratiquer des arrêts-friandises à durée progressive. On immobilise le cheval pendant une seule seconde, le temps de lui donner un sucre (indication vocale “ tiens ”), puis on demande le départ. Les premières fois, il prendra sa “ récompense ” presque en vol, mais si l’on répète régulièrement la procédure, l’idée commencera à faire son bonhomme de chemin : après tout, ce n’est pas très facile de se tourner pour attraper un sucre en marchant. Peu à peu le cheval accepte l’idée de s’arrêter pour attendre sa récompense : il freine de mieux en mieux, et se tourne vers son généreux donateur, lequel peut progressivement retarder l’heure du susucre. Une seconde, puis deux, puis trois, etc. Il faut ensuite veiller à ne pas redémarrer trop vite, pour ne pas créer un automatisme de redémarrage.
Autre technique efficace, adopter l’arrêt sur une rêne, très pratiqué aux États-Unis. Au lieu d’interdire le mouvement en avant, on l’autorise, mais sans permettre à sa monture d’en tirer profit. Le cavalier attire la tête franchement sur le côté, et laisse l’animal tournicoter sur place, jusqu’à ce qu’il en ait marre de n’aller nulle part et qu’il esquisse un arrêt. Immédiatement, la rêne est relâchée... Une telle méthode permet de résoudre les cas désespérés dans le plus grand calme. Une fois les premiers temps d’immobilité acquis, il faut penser à aller plus loin. Ne pas se contenter d’une immobilité pendant laquelle le cavalier figé et silencieux se consacre entièrement à la surveillance de sa monture. Car celle-ci fera alors parfaitement la différence entre les arrêts “ surveillés ”, et ceux où l’homme, occupé par une carte ou une conversation, ne pensera pas à faire appliquer le contrat... Très vite donc, on introduira de petites complications pour augmenter la tolérance du cheval et sa fiabilité. Bouger un peu, se retourner, déplier une carte. Bien sûr, il faut rester aux aguets, prêt à intervenir en cas de transgression, et à féliciter en cas de sagesse ! |
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Les mots de l’arrêt Il se révèle pratique de recourir à deux indications vocales distinctes, l’une pour la transition vers l’arrêt, (“ arrête ”, “ stop ”, “ whoâ ”...), l’autre pour demander une immobilité prolongée (“ là ”, “ en place ”, “ tu restes ”...). Dans ce cas, le cheval sait qu’il en a pour un moment : il peut adopter une attitude relaxée, encolure basse, un postérieur posé sur la pince... Ce même ordre servira pour réclamer l’immobilité libre ou la sagesse au montoir, dont nous parlerons le mois prochain. |
Les secrets des bons arrêts n choisir pour commencer un contexte favorable n en demander très souvent n rendre l’arrêt confortable (rênes en guirlandes, sucre...) n surveiller l’immobilité avec vigilance n interdire de brouter (ce ne serait plus de l’immobilité) n redémarrer avant qu’il n’y pense lui-même |