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Fortes pentes en sellesarticle de Véronique de Saint Vaulry, rubrique « En extérieur », Cheval Magazine, août 2001 |
Les fortes dénivelées représentent une sérieuse difficulté de franchissement, dont le succès repose sur une étroite collaboration du couple : un cavalier qui sait se faire léger et discret, une monture qui respecte les contrats qui lui ont été enseignés… Il est certaines difficultés auxquelles les tours de manège ne peuvent préparer … Les pentes constituent par exemple l’une des grandes découvertes pour ceux qui pointent le nez dehors. Ah, les montées, ces merveilleuses montées qui rendent le cheval si confortable et si facile à ralentir ! On les voit de loin, sur les chemins de crête, les cavaliers du dimanche, qui en profitent pour abuser de la vitesse, lançant leurs montures ventrues, à peine entraînées, dans des sprints d’enfer à l’assaut des montagnes. Puis ils retrouvent sagesse et pondération pour encaisser ces mornes descentes, où les chevaux, encore suants et soufflants, se déhanchent tellement que chaque foulée est un cahot. Mais il arrive que la pente se raidisse tant et si bien que la pondération renaît, tandis que les questions se bousculent : jusqu’à quel point peut-on incliner un cheval sans lui voir faire une galipette ? Faut-il le retenir par les rênes, par la queue, ou lui donner de la vitesse pour l’aider dans sa mission ? Et par quel miracle reste-t-on en place sur ce toboggan ? Le cheval, lui-même, n’est pas toujours de bon conseil. S’il a passé toute sa vie à plat, dans des prés et des box horizontaux, il refusera tout net de s’aventurer dans ce piège inédit, ou s’y engagera sans bon sens ni technique : cherchant à accélérer, à descendre en crabe, ou perdant l’axe de la pente, au mépris de son équilibre et de sa sécurité. Le cavalier devra lui expliquer qu’il n’est pas question de se débarrasser des pentes, mais de les négocier, et lui enseignera son métier par un travail progressif sur des déclivités de plus en plus accusées. De pic en aiguille, confiance et contrats se mettront en place, et tout sera prêt pour affronter en sécurité les contextes hostiles qui obligent à « crapahuter » : chemin bouché, GR ambitieux, Trec… Balancier, balancier chéri…Jusqu’à 45°, les pentes sont tout à fait à la portée des chevaux, à condition de s’y prendre correctement. Attention, en ces terrains délicats, toute intervention sur les rênes affecte le jeu du balancier-encolure, au risque d’entraîner un déséquilibre. Si par exemple le cavalier se laisse surprendre par un démarrage en côte un peu trop vigoureux, et qu’il reste lourdement assis en arrière en se raccrochant aux rênes, il pourrait bien retourner son cheval comme une crêpe, dans une figure digne de Luraschi - sauf que c’est pas fait exprès… En descente, un excès de main obligera l’animal à relever l’encolure et par contrecoup à s’asseoir davantage. Or il est déjà très assis, et ses hanches, qui travaillent courageusement à freiner la masse, risquent de ne pas résister à cette surcharge excessive : elles s’échapperont latéralement, et la pauvre bête se retrouvera en crabe, perdant sa sûreté et et sa capacité de freinage. N’oubliez pas non plus que votre monture, prudente, aime vérifier où elle met les pieds. À l’abord d’une descente, si vous avez le bon goût de la laisser faire, elle baissera le nez quasiment jusqu’au sol, pour examiner le trou qui bée sous ses pieds, puis poursuivra son franchissement tête basse, pour voir la racine, la marche rocheuse ou le terrier qui menacent sa progression. Lui tenir artificiellement la tête haute, c’est l’obliger à descendre en aveugle, à supposer qu’elle en ait le courage : bien des chevaux novices préfèrent refuser tout net de s’aventurer plus avant dans ces conditions, selon le bon vieux principe du « j’y vois rien, j’y vais point ». L’art et la manièreCertes, c’est un peu troublant, cette encolure qui plonge, alors que la monture en pente ressemble déjà si fort à un toboggan… Il faut résister courageusement à l’envie de lui remonter la tête pour avoir quelque chose devant soi, et se préoccuper de son propre équilibre. Seul un cavalier stable et bien en place peut jouer son rôle de pilote. En descente, rester assis, buste vertical par rapport à l’horizon ; se stabiliser en serrant les cuisses, et non en poussant sur les étriers vers l’avant. En montée, saisir une poignée de crins, et se mettre en équilibre au-dessus des étriers. Dans les deux cas, laisser à l’encolure la plus grande liberté possible. Les rênes ne reprennent le contact, délicatement, que s’il est nécessaire de rectifier la vitesse ou l’orientation du cheval, puis rendent aussitôt, pour qu’il apprenne à faire son travail de lui-même, par contrat, sans être constamment encadré dans les aides. La vitesse de franchissement à rechercher est le pas. La plupart des montures cherchent à trottiner en fin de descente, par paresse à se freiner, et à l’abord des côtes, perturbées par l’effort à fournir et le changement de position de leur cavalier. Il faut leur apprendre à conserver une allure constante (selon le contrat habituel), pour assumer l’effort avec régularité, et éviter des variations de vitesse qui risquent de déséquilibrer le cavalier. Quant à « avaler » les pentes au galop, ça n’aide pas tellement le cheval, à moins d’une côte brève et modérée, et c’est ensuite source d’excitation et de doute sur l’allure à adopter. Plus le règlement sera stable, moins il sera nécessaire d’intervenir. Votez pour le pas, vous ne le regretterez pas… Sur la bonne penteN’attendez pas les terrains pentus pour faire une subite crise d’autorité… Les règlements (= ni zigzag, ni rupture d’allure), ça se travaille d’abord à plat, tranquillement… Ensuite, pour cibler l’entraînement, cherchez une jolie butte ou un talus ferme et abordable. Une pente brève (5 à 8 mètres) suffit pour travailler les points essentiels sans risquer l’épuisement. Elle permet de recommencer deux ou trois fois en cas de faute, pour terminer sur un progrès. L’idéal consiste à disposer d’une rampe d’accès en pente douce à proximité : ainsi vous consacrez la séance soit à la montée, soit à la descente. C’est plus éducatif. Les points importants : - Axe de plus forte pente. Quel que soit le sens choisi, le cheval risque de perdre cet axe parce qu’il anticipe sur la direction à prendre. Prenez l’habitude de continuer quelques pas bien droit après l’arrivée, avant d’arrêter pour récompenser. - Trottinement : zones à risque, le début de la montée et la fin de la descente. Dites « au pas » pour rappeler le règlement, intervenez à chaque faute, mais ne restez pas constamment « sur le frein » : pour que le cheval devienne digne de confiance, il faut qu’il puisse disposer de sa liberté… Exercice à proposer aux multirécidivistes : des arrêts complets dans la pente. - Descente en crabe : s’il se met en travers, assurez-vous que ce n’est pas dû à un excès de main. Il doit pouvoir baisser le nez pour décharger son arrière-main. Remettez les épaules devant les hanches en déportant latéralement les deux mains. Là encore, en intercalant des arrêts dans la pente, vous lui apprendrez à accepter l’effort… Terminez sur une bonne prestation, en mettant pied à terre. Vous reviendrez de temps à autre travailler sur cette butte, mais surtout vous profiterez de toutes les autres opportunités offertes par vos circuits de promenade pour augmenter peu à peu la difficulté, et routiner votre élève. Si le franchissement est satisfaisant, vous vous contenterez d’un seul. S’il y a rupture d’allure ou perte d’axe, vous recommencerez, exactement au même endroit, pour que le cheval comprenne qu’il ne peut pas « s’en débarrasser » ainsi. Il a peur d’une descente ? Que faire…Laissez-le s’immobiliser devant le gouffre, sans le pousser, et rendez toutes les rênes, main basse et avancée, pour qu’il puisse baisser le nez jusqu’au sol. Il va le flairer, l’examiner, et prendre tôt ou tard sa décision. Bornez-vous à le ramener dans l’axe s’il cherche à faire demi-tour. Ne le poussez, brièvement que s’il fait mine de se désintéresser du problème (oreilles qui se détournent). À pied ou en selle ?Certes, il est indispensable de s’exercer à franchir des pentes en selle, mais pas au point de rester constamment juché sur sa monture. Quand la pente est escarpée, encombrée, ou interminable, il est bon de mettre pied à terre. Encore faut-il disposer d’un cheval respectueux qui tient ses distances, sous peine de se voir rattrapé, bousculé, et d’y laisser des bouts d’orteil ou quelques copeaux de talon…
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