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 Premières sorties du jeune cheval 

 article de Véronique de Saint Vaulry, rubrique « En extérieur », Cheval Magazine n°367,  juin 2002

Mettre un poulain en extérieur sans précautions, c’est élever l’imprévisible à la puissance trois… Mieux vaut donc y réfléchir à deux fois, préparer le terrain et graduer la difficulté...  

Quand peut-on sortir un jeune cheval en extérieur pour la première fois ? les avis sont partagés ! Les uns trouvent que c’est un moyen plutôt commode de débourrer sans stress. Ils calent leur poulain débutant bien au chaud entre ses congénères, et le petit apprend le métier sans se poser de questions, en suivant le chemin et une croupe bienveillante… Pour d’autres, la première sortie est l’opération du siècle, qui sera préparée pendant des mois au manège, pour mettre prudemment en place le frein, l’accélérateur, et bien sûr, l’épaule en dedans, qui donne le contrôle de la masse. Mais à force de pantoufler bien à l’abri, le couple risque de perdre sa capacité d’adaptation, et de ne plus oser, finalement, mettre le nez dehors. 

Pour le pire

Il faut reconnaître que les risques sont réels, en extérieur, avec un jeunot mal dégrossi. Ce n’est pas parce que quelques pros réussissent des débourrages en plein air que tout le monde doit s’y aventurer. D’abord le sol s’obstine à être dur et plein de cailloux, avec de solides troncs d’arbres plantés partout : il ne fait pas bon tomber, dehors, ça non, ni laisser le poulain affolé partir en sauts de mouton en direction de la nationale, en zigzaguant entre les poussettes dominicales…

Pourtant cela peut arriver à cet être sensible et impressionnable, qui risque de mal supporter mal le cumul des nouveautés. S’il est déjà un peu crispé d’avoir un humain sur le dos, et qu’en plus le bruit d’une tronçonneuse dans le lointain lui met la puce à l’oreille, il risque de sauter très fort en l’air quand un faisan s’envolera de la haie : tragique loi des additions

C’est que malheureusement la campagne n’est pas une propriété privée : vous n’empêcherez pas le TGV de passer quand il veut, ni le pêcheur d’agiter sa canne-chambrière, ni les jeunes charolaises accortes de se précipiter vers vous en soufflant à pleins naseaux. Il est à craindre que certaines de ces amusantes rencontres ne soient pas adaptées au niveau d’expérience du poulain, et que ce manque de progressivité provoque chez lui une belle panique.

Hélas,  quand vous voudrez freiner sa fuite ou en infléchir la trajectoire, vous vous rappellerez soudain avec désespoir qu’il ne connaît pas vraiment les aides ! Pour lui, des rênes qui se tendent ne constituent pas encore une demande de ralentissement ou de changement de direction, mais plutôt un signal d’alerte. On lui bloque son balancier ! On en veut à son équilibre ! Un affreux monstre glapissant  lui rebondit sur le dos en lui arrachant les muqueuses… Au secours ! ! !  

Soignez l’encadrement

Certes, les premières sorties ne tournent pas toutes à la catastrophe, et la plupart des couples rentrent intacts et heureux. Mais, face au danger potentiel, mieux vaut se munir d’un casque et de prudence. D’abord se choisir un circuit moelleux et confortable, à l’écart des zones dangereuses. Chemins creux, petits bois, pentes douces… Pas trop de civilisation pour commencer : sur les voies ferrées, il y a des trains qui arrivent sans prévenir ; sur les routes, il y a des camions qui klaxonnent sans voir la différence entre un cheval routiné et un poulain débutant. Enfin, dans les fermes, il y a des chiens derrière les haies et des rideaux anti-mouches qui s'écartent par surprise… Si l’itinéraire ne peut éviter un passage délicat, il suffit de le prévoir et de mettre pied à terre un peu à l’avance, pour éviter de créer une association malheureuse entre l’apparition de l’inquiétude et le fait de descendre. Aussi faut-il bien connaître son parcours : ce n’est pas le jour pour essayer de nouveaux chemins !

Autre précaution essentielle : le choix des compagnons de promenade. Des chevaux sûrs et bien montés (un seul suffit), qui ne vont pas ronfler à tout bout de champ, faire des écarts ou trottiner. C’est que le petit ne sait pas encore quelle contenance adopter : dans le doute, il risque de copier bêtement sur les autres. Une tendance à l’imitation qui peut se révéler profitable, si les autres cavaliers acceptent de se mettre à la disposition de l’éducateur : le poulain ne répond pas aux aides du départ au galop ? dans la seconde qui suit, toute son équipe d’encadrement prend le galop, juste quelques foulées, pour l’aspirer… Retour au trot pour calmer le jeu et féliciter, puis on recommence… Bientôt, l’élève anticipera sur l’exemple et commencera à répondre aux aides. Cette méthode permet d’améliorer tournants et transitions, à condition de toujours accorder une seconde d’avance aux aides (vocales ou tactiles), pour que le poulain puisse les remarquer. Attention, si cette priorité n’est pas respectée, il deviendra un simple suiveur…

Se méfier également des autres influences extérieures qui risquent de l’inciter à désobéir au peu d’aides qu’il connaît déjà : un sol caillouteux qui lui donne envie de ralentir, une pente qui le pousse à trotter, une flaque qui le fait dévier. L’éducateur doit anticiper, et éviter les demandes impossibles qui risqueraient de lui « brûler les  aides ». 

Affûtez la préparation

Mais avant la grande aventure, le bon sens impose de peaufiner la préparation. Ce n’est pas le temps qui manque, avant 3 ans, pour mettre les bases en place…

-         D’abord, une désensibilisation en bonne et due forme. Le poulain doit avoir appris à supporter des gestes brusques tout autour de lui, des contacts sur tout le corps, un cavalier qui bouge et qui gesticule… Celui qui en est encore à se mettre en selle avec précaution et jouer les passagers clandestins ferait mieux de ne pas s’éloigner de l’armoire à pharmacie... Attention, si le petit a été élevé dans un morne carré de pré, penser à le promener dans des bois touffus, en main, pour qu’il s’accoutume aux frottements. Il ne faudrait pas qu’il se croie attaqué par un fauve lorsqu’un rameau le griffe ou qu’une ronce sournoise l’attrape au passage.

-         Les sorties en main sont indispensables pour créer une expérience, mais aussi instaurer une bonne relation. S’équiper d’un matériel correct, pour ne pas tout lâcher à la première alerte : licol fin ou caveçon, longe longue (3 ou 4 mètres) et confortable . Mettre en place un contrat de distances pour établir sécurité et confiance. Proposer des exercices variés et des franchissements à difficultés progressives, pour construire la collaboration.

-         Enfin, avant de sortir, il faut avoir mis en place les aides de base, frein, accélérateur, direction. Apprentissage qui peut d’ailleurs commencer en main et aux longues rênes bien avant le débourrage. Mais il faudra se méfier des apparences : ce n’est pas parce qu’un poulain semble facile à arrêter en manège qu’il a vraiment assimilé les indications de freinage : c’est peut-être simplement  l’ennui de tourner en rond qui l’immobilise ! Varier les exercices et le contexte jusqu’à avoir mis en place de véritables réflexes conditionnés. 

Véronique de Saint Vaulry

 

Galop ? avec modération

Tant que le poulain n’est pas rôdé, le galop risque de représenter une complication inutile. Rien n’oblige à faire figurer cette allure au menu des premiers mois. À noter qu’ensuite, il faudra éviter le plus longtemps possible les courses et les « bouts-vite », qui chauffent les esprits.

 

Un décollage progressif

La promenade ne devrait pas être une aventure dans laquelle on se jette comme dans le grand bain ! Pourquoi planifier une énorme expédition dès la première fois ? Pourquoi ne pas élire plutôt la cour ou la carrière comme base et, tout en travaillant, s’éloigner, puis revenir un peu, puis un peu plus… Faire le tour des écuries, quelques figures sur le parking, 30 mètres en serpentine autour des platanes de l’allée sud, revenir en main en alternant des arrêts et des temps de pas, refaire un montoir dans la cour, un temps de trot autour du pigeonnier, deux cercles dans la carrière ; s’engager sur le sentier qui part à l’est, revenir, faire le tour du pré, repartir au nord, et ainsi de suite, de plus en plus loin…

De cette façon, on gomme la différence entre des lieux «  de travail » et les lieux « de loisir ». Qu’il soit en main, aux longues rênes ou monté, le poulain –ou l’adulte- apprend à rester constamment à disposition de son éducateur. L’angoisse du départ s’atténue, l’effet excitant du chemin du retour disparaît…

 
 
Photo 1

Dehors, tout est nouveau pour le jeune cheval : penser à marquer des pauses pour le laisser regarder tranquillement.

 

Photo 2a ou 2b

Une bonne équipe d’encadrement l’aidera à se rassurer face aux nouveautés, mais attention de ne pas en faire un simple « suiveur ».

 

Photo 3a ou 3b (la 3a est plus intéressante, mais il faudrait effacer le type et le petit poteau en arrière plan)

Assurez-vous qu’il est suffisamment respectueux pour vous permettre de négocier en main les passages difficiles .

 

Photo 4 (qui peut-être éventuellement insérée dans l’encadré « décollage progressif »)

La meilleure entrée en matière consiste à travailler autour de chez vous, sur des boucles, et des allers- retours.

 

Photo 5a ou 5b

Inutile d’attendre le débourrage pour le promener en main, en travaillant le respect des distances et les franchissements délicats.

 

copyright V. de Saint Vaulry

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