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A la chasse aux écarts...(Cheval Magazine, septembre 2000)article de Véronique de Saint Vaulry |
Réaction naturelle, souvent imprévisible, l’écart représente un danger majeur en extérieur. Il est cependant possible d’en limiter les risques en pratiquant des mesures préventives adaptées. Dans le milieu hostile que constitue l’extérieur, le premier ennemi du cavalier, c’est son cheval ! Car l’animal est doté de mécanismes de fuite puissants et acrobatiques, qu’un rien peut déclencher. Vous croyez vous promener tranquillement, en sifflotant, les cheveux au vent… et soudain, vous vous retrouvez 3 mètres plus à gauche, éventuellement assis par terre, ou pendant lamentablement sur le côté de la selle, accroché à une poignée de crins qui menace de vous lâcher… C’est bien sûr très agaçant (“ tout ça pour un moineau dans la haie ? ”), mais aussi très dangereux si l’événement se produit au bord d’une route passante… Un écart nourrit l’autre Même s’il ne partage pas les phobies de sa monture, le cavalier ressent lui aussi un bref instant de panique au moment où l’énorme masse du cheval se tord sans prévenir dans un soubresaut géant. On a beau faire de l’équitation, on tient à sa vie, et il est difficile de garder le sens de l’humour face à cette mauvaise surprise. Ayant à peine rétabli son équilibre, les muscles encore tout crispés et le cœur à 200 bpm, l’homme va diriger son adrénaline contre le premier être vivant qu’il trouve à sa portée : son cheval ! un éclat de voix, un coup de talons ou de cravache, une saccade sur les rênes... C’est idiot, mais ça soulage. Dur moment pour la pauvre bête, qui vient déjà d’avoir la frousse, et à qui on fait tomber en plus le ciel sur la tête… Comme elle n’est pas si intelligente qu’on croit, la seule leçon qu’elle retiendra de cette semonce, c’est qu’elle a bien fait d’avoir peur, qu’elle vit dans un univers hostile où même son cavalier se comporte en ennemi. Ce qui fait le lit de l’écart suivant… Et c’est vrai que les humains ne comprennent pas grand chose aux peurs de leur monture. Par exemple si l’une a tendance à faire beaucoup d’écarts, comment réagit son cavalier ? Il ajuste bien ses rênes, “ en prévention ”, pour s’efforcer de les empêcher. Or non seulement il n’empêchera rien du tout, mais sa monture va se sentir coincée, incapable de fuir, ou même de tourner la tête pour examiner son environnement. Elle avancera alors dans un état d’alerte permanente, un rien suffisant à la faire sursauter, un peu comme le spectateur de film d’horreur qui sent le massacre approcher. Sur des rails La première mesure de prévention des écarts consiste donc à laisser ses rênes en guirlandes : le cheval se décontracte, regarde autour de lui, et se laisse de moins en moins surprendre. Désormais plus actif face à son environnement, il apprendra à anticiper, à repérer le chien derrière la haie, le rideau anti-mouches sur le point de s’écarter, les draps sur l’étendage prêts à claquer au vent... Certes, malgré sa liberté de balancier, il effectuera encore, de temps à autre, un véritable écart de surprise. Pour parer ce problème, le relâchement des rênes doit s’accompagner d’une éducation qui lui apprenne à garder le cap sans se déporter. C’est possible, parce que son programme de fuite tient compte de l’environnement. Lorsqu’il chemine au bord d’un précipice ou d’un mur, il sait se retenir de faire un écart dans cette direction ! Le cavalier a donc tout intérêt à définir un cadre virtuel qui “ mette sa monture sur des rails ”. L’amorce de cette formation se fait paisiblement, hors des périodes de peur, chaque fois que le cheval est laissé rênes en guirlandes. Il faut lui apprendre à conserver soigneusement la trajectoire qu’on lui a indiquée, qu’il s’agisse de la piste du manège, d’un bas-côté de la route, de la bande herbue centrale d’un chemin ou d’une de ses travées. S’il sort de la ligne choisie, on l’y remet patiemment, et lorsqu’on souhaite changer d’axe, on lui en fait explicitement la demande. (voir les contrats) Visite guidée Attention à ne pas ruiner toute cette préparation dès la première rencontre inquiétante. En effet, le cheval peut alors réagir de deux manières : ralentir, ou se déporter. Décourager l’une, c’est encourager l’autre. Si le cavalier pousse sa monture lorsqu’il la sent freiner, elle compensera en s’écartant largement de l’objet suspect, et en le dépassant précipitamment. Encouragé par les aides, ce “ programme de contournement accéléré ” aura vite fait de devenir un comportement habituel, qui mettra le couple en danger. Il faut au contraire favoriser chez l’animal la procédure inverse : tant pis pour l’allure, acceptons le ralentissement ou l’arrêt. Mais en contrepartie, nous lui demanderons de conserver soigneusement sa trajectoire, et même, chaque fois que c’est possible, de mettre le cap sur l’objet pour aller l’examiner. Par exemple, si je sens mon cheval se tendre à la vue d’une borne incendie, je ne mets surtout pas de jambes, et je le laisse avancer à son rythme, rênes largement détendues, en ne le poussant brièvement que lorsqu’il semble se désintéresser de l’objet. Pas à pas, lentement, nous approcherons du monstre. Une fois devant, j’insiste jusqu’à ce qu’il ait mis le nez sur cette borne, qu’il l’ait flairée sous tous les angles et se soit complètement décontracté. Il ne reste plus qu’à repasser une ou deux fois devant, rênes longues, pour vérifier que le cheval tient sa ligne de trajectoire. S’il se crispe encore, je retourner lui faire flairer l’objet selon la même procédure… Bien sûr, si l’on veut soigner un cheval craintif, il y a fort à parier que la première approche prendra 5 ou 10 minutes, la suivante presque autant, et que la balade sera singulièrement écourtée : à flairer toutes les causes d’écarts, vous aurez fait 5 km en 2 heures, avec visite d’un tas de bois de 25 m sur toute sa longueur, examen de chacun des piliers du lavoir, 2 bornes à incendie, 3 rigoles et un portail métallique, un vieux sac, un piéton (consentant) en chair véritable, une pile de pneus, et trois ratons laveurs… Tenez bon, pensez aux dresseurs qui montent une heure chaque jour pendant 5 ou 6 ans avant d’obtenir leur première foulée de passage ou de piaffer ! Vous pouvez quand même vous offrir le luxe d’une thérapie anti-écarts ! En quelques heures de ce travail, vous verrez votre monture se détendre, s’enhardir, commencer à respecter ses trajectoires, et s’approcher de plus en plus vaillamment des monstres qui l’impressionnaient jadis. Prévention en bord de route Si le cheval a peur des véhicules, ne vous aventurez pas sur les routes avant d’avoir réglé le problème (nous y reviendrons). Ensuite, le danger viendra du bord… Quelques précautions : - Contrat préventif : le cheval doit déjà avoir appris à tenir sa trajectoire, et savoir qu’en cas de peur, il a le droit de ralentir, pas de dévier. - Conduite à tenir : laisser les rênes raisonnablement flottantes, pour qu’il puisse se détendre et regarder. Ne pas le pousser lorsqu’il aperçoit quelque chose d’inquiétant. Tenir une longue badine côté route, qu’on peut agiter au niveau de l’œil (barrière visuelle) en cas de risque majeur. - Dressage : la formation aux rênes contraires (d’encolure, d’appui…) et à l’épaule en dedans constitue une sécurité appréciable pour contrer un début d’écart. - Embouchure : choisissez-la suffisamment convaincante pour que le cheval la respecte. Votre vie peu dépendre de sa rapidité d’obéissance.
Vos jambes aggravent l’écart… Il est bien des écarts que le cavalier peut voir venir : le cheval commence par pointer les oreilles et se freiner, hésitant entre 2 stratégies : s’arrêter pour examiner l’ennemi, ou le contourner sans demander son reste. Si l’homme choisit justement ce moment pour pousser (ce qu’il fait instinctivement), la monture n’aura d’autre solution que de décrire une belle embardée. Il serait plus sage et éducatif de permettre, voire d’encourager, le ralentissement. Ainsi on peut rassurer l’animal, et préserver sa trajectoire. D’aucuns prétendront qu’il faut préserver l’impulsion à tout prix. Personnellement, c’est la santé de mes lecteurs que je souhaite avant tout préserver. L’impulsion, si c’est pour partir en crabe et s’incruster dans un camion, non merci.
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